Et si consulter n’était pas un aveu de faiblesse, mais un acte de responsabilité ?

Dans une société qui valorise la performance et le « tout va bien », on associe encore trop souvent la démarche thérapeutique à l’idée d’un effondrement, d’une souffrance aiguë ou d’un passage à vide spectaculaire.

Pourtant, consulter un thérapeute n’a pas besoin d’attendre le chaos. C’est même tout l’inverse : c’est une porte que l’on ouvre vers soi… avant que l’urgence ne s’invite.

 

Des signaux faibles qu’on tait… mais qui parlent fort

Parfois, ce ne sont pas de « gros » problèmes, mais de petits grincements silencieux qui nous alertent :

  • Une fatigue mentale qui semble s’installer
  • Une irritabilité inhabituelle ou des émotions à fleur de peau
  • Le sentiment d’être seul, même entouré
  • Un décalage entre ce qu’on vit et ce qu’on ressent
  • Une perte de motivation, un manque d’élan
  • Ou juste… le besoin de faire le point, de se retrouver

Ces états ne sont pas à minimiser. Ils sont des appels à l’écoute.

 

Consulter en amont : un soin préventif, pas un luxe

Entamer un accompagnement thérapeutique avant la crise, c’est :

  • Se reconnecter à ses besoins, ses ressentis, ses limites
  • Apprendre à identifier ses schémas et croyances
  • Nourrir une meilleure connaissance de soi
  • Prévenir des états d’épuisement, de débordement ou de repli
  • Trouver des outils concrets pour naviguer les vagues du quotidien

En somme, c’est s’offrir un espace où l’on peut être pleinement soi, sans jugement ni pression.

“Je n’étais pas en détresse, mais je ne me sentais pas alignée. Quelques séances m’ont permis de poser des mots, de comprendre mes automatismes… et de reprendre les rênes. Je crois que j’ai commencé à respirer plus librement.” Sofia.M

La thérapie n’est pas uniquement une béquille, elle peut être une impulsion, une exploration, un tremplin.

J’évoquerai dans un prochain article le pouvoir de l’introspection, ce geste intime qui consiste à tourner le regard vers soi, à explorer ses ressentis, ses pensées, ses mécanismes… sans chercher à juger ni à corriger. L’introspection est une boussole intérieure qui permet de se situer, de comprendre ses dynamiques profondes, et parfois de réajuster sa trajectoire.

Mais j’y reviendrai plus longuement à l’occasion d’un autre article … Pour l’heure, revenons à la santé mentale et au regard porté sur elle.

 

Changer de regard sur la santé mentale

Et si on réhabilitait la prévention en santé psychique ?

Prendre soin de sa vie intérieure, de son équilibre émotionnel, c’est un geste profondément humain, au même titre que l’on consulte un ostéopathe pour des tensions physiques, ou un nutritionniste pour retrouver de l’énergie.

C’est un acte de maturité, de conscience, et souvent… de renaissance.

Mais si la santé mentale se démocratise de nos jours, et tant mieux (même s’il reste encore à faire tomber quelques croyances), il n’en a pas toujours été le cas, loin de là !

Il est intéressant de voir comment le regard sur la santé mentale a évoluer à travers les époques :

 

🔵 De la stigmatisation à la reconnaissance

  • Antiquité et Moyen Âge : Les troubles mentaux étaient souvent associés à des causes surnaturelles (possession, malédiction), entraînant exclusion ou traitements brutaux.
  • Renaissance et Lumières : Apparition d’approches plus rationnelles, mais les traitements restaient souvent inhumains (asiles, isolement).
  • 19ème  siècle : Naissance de la psychiatrie moderne, mais la santé mentale était encore vue comme une pathologie à « corriger ».
  • 20ème siècle : Émergence de la psychanalyse, des thérapies comportementales et des médicaments psychotropes. Le regard commence à se médicaliser, mais reste centré sur la maladie.
  • Aujourd’hui : La santé mentale est abordée de manière holistique, intégrant les dimensions biologiques, psychologiques et sociales.

🟢 Vers une approche biopsychosociale

  • Le modèle biomédical dominant est progressivement remis en question au profit d’une vision biopsychosociale, plus nuancée et centrée sur la personne.
  • Les savoirs expérientiels (témoignages de personnes concernées) prennent de plus en plus de place dans les politiques de santé mentale.

🟡 Une pluralité de regards et de pratiques

  • Les pratiques de soin se diversifient : thérapies alternatives, pair-aidance, désinstitutionalisation, etc..
  • Le regard sociologique met en lumière les inégalités sociales, les effets de la précarité, du genre ou de l’origine sur la santé mentale.

🟣 Le rôle des médias et du numérique

  • Les médias ont longtemps véhiculé des stéréotypes, mais aujourd’hui ils participent aussi à la déstigmatisation.
  • Les réseaux sociaux permettent aux individus de partager leurs expériences, mais peuvent aussi accentuer certaines vulnérabilités.

⚪ Changer de regard, c’est aussi…

  • Passer de « traitement » à « accompagnement ».
  • Valoriser la parole des personnes concernées.
  • Repenser les lieux de soin comme des espaces de vie.
  • Intégrer la santé mentale dans les politiques publiques, l’éducation, le travail.

 

Vers une culture de l’écoute avant la crise

 

Alors, faut-il attendre d’être en crise pour consulter ? À la lumière de notre histoire collective et des murmures personnels que chacun porte en soi, la réponse semble claire : non. La thérapie ne devrait plus être perçue comme une mesure d’urgence, mais comme une démarche d’alignement. Une exploration douce, une manière de prendre soin de sa vie intérieure avant qu’elle ne s’effondre sous le poids de l’oubli.

Consulter sans attendre, c’est faire preuve d’une lucidité tendre envers soi. C’est reconnaître que le mal-être ne se manifeste pas toujours avec fracas, mais parfois dans les silences, les absences, les frottements du quotidien. C’est aussi participer, à son échelle, à changer de regard sur la santé mentale, et à réhabiliter cette idée simple : prendre soin de soi est un droit, pas un luxe.

Et si le plus grand acte de résilience n’était pas de se relever après la tempête… mais d’apprendre à écouter le vent lorsqu’il commence à tourner ?